Je devais donner le mardi 3 mai 2022 de 15h à 17h à la Philharmonie de Paris une conférence intitulée « 1890-1940: les compositrices entre floraison et occultation », dans la série Portraits de compositrices, du XIIe siècle à nos jours.
Je dis « je devais », car je me suis vue obligée d'annuler cette conférence. En effet, entamant la quarantaine d'heures que j'estimais nécessaires à sa préparation, j'ai été prise d'un profond dégoût à l'idée que mon travail d'experte serait si bassement rémunéré : la Philharmonie paye cette prestation 280€ brut/environ 230€ net, soit, par rapport au travail que j'avais prévu, un montant horaire net d'environ 5,75€, quand le SMIC horaire net pour 2022 est d'environ 8,37€.
Même si je n'avais pas encore signé de contrat, je m'étais engagée à donner cette conférence : quand j'avais été sollicitée, j'avais protesté face à cette rémunération ridicule, qui est celle proposée à toutes et tous les musicologues participant à la série Portraits de compositrices, mais sans résultat. Alors, par passion pour le sujet, parce que les compositrices, c'est l'engagement profond de ma vie, j'ai accepté.
Mais la passion pour mon sujet à des limites : j'ai rompu un contrat moral, oui, mais je dois considérer le respect envers moi-même et mes capacités. Il m'est impossible de cautionner le mépris que démontre la Philharmonie envers les musicologues en proposant cette rémunération. Notons de plus que les conférences sont payantes : 14€. Étant donné qu'elles attirent au moins une trentaine de personnes, la Philharmonie peut compter sur une somme minimum d'entrées de 420€.
Je me suis vue répondre par le responsable de la programmation, qui n'a pas manifesté la moindre empathie pour ma réaction et a au contraire déploré la « tonalité » de mon message (accepterait-il, lui, de travailler pour cette somme?) que « les activités de culture musicale permettent à une centaine de musicologues d'y participer chaque saison sur des formats variés, à l'image des colloques, rencontres, collèges, forums et publications diverses ».
C'est donc une centaine de musicologues qui se retrouvent exploités chaque saison par la Philharmonie de Paris.